1838, chasse au cerf par William Scrope

Extrait de deerstalking de William Scrope, 1838

 

"La chasse au cerf, le plus noble de tous les sports des Highlands, a longtemps été une des distractions favorites des habitants du nord et de l'ouest de l'Écosse ; et bien qu'elle soit tombée en désuétude ces dernières années, elle est encore pratiquée dans certaines parties du pays. 
Nous devons le récit suivant à l'un des rares sportifs qui ont eu la chance de profiter (ces dernières années du moins) des plaisirs de ce sport passionnant comme il est pratiqué aujourd'hui..

C'est dans la soirée du 11 août 1835 qu'un groupe, composé de six sportifs, d'un équipage de sept hommes, d'un joueur de cornemuse, d'un chasseur de cerfs et de deux chiens de chasse, partit de Colonsay et débarqua sur une plage de la côte nord escarpée de la propriété du capitaine M`Neill, dans l'île de Jura.
Après avoir escaladé une berge rocheuse et brisée jusqu'au pied d'un précipice qui surplombait la mer, ils pénétrèrent par une pente graduelle dans une grotte spacieuse et pittoresque, dont on ne pouvait découvrir l'ouverture d'en bas.

Leur premier soin fut d'allumer un feu dont la fumée s'éleva en une colonne droite jusqu'au toit, et se glissa presque imperceptiblement jusqu'à l'ouverture, d'où elle s'échappa. On prépara ensuite un repas, l'un des marins faisant office de cuisinier. Sa connaissance de la gastronomie n'était pas grande, mais il s'est arrangé pour nous présenter un plat auquel nos bons appétits ont rendu pleinement justice. Notre repas s'est terminé par un whisky grog, après quoi, tous étaient impatients de se reposer afin d'être sur le qui-vive dès le lever du jour.
Près du feu, un divan de fougères et de bruyères séchées fut étendu, tel que la belle Ellen l'avait fourni au roi James ; mais bien que notre accompagnateur ne soit ni jeune ni du beau sexe, nous avions l'avantage sur la royauté à un égard, étant pourvus d'un bon stock de couvertures, un confort qui n'est pas du tout à dédaigner dans une telle situation.
Tout près de là les voiles pour les bateliers avaient été déployées , et plus loin, dans un renfoncement de la grotte, un lit de fougères sèches avait été disposé pour les chiens qui étaient attachés à une pierre assez grande pour avoir retenus les chiens de Fingal.
Différents groupes pittoresques et l'obscurité profonde de la caverne, éclairée seulement par la flamme intermittente du feu de bois, constituaient un sujet digne d'un tableau de Rembrandt, tandis que le grondement sourd des vagues qui se heurtaient aux rochers en contrebas se répercutaient dans la grotte et conférait à la scène une grandeur naturelle spectaculaire tout à fait romantique.

Après avoir rejoint notre lieu de repos, le sommeil s'est peu à peu emparé de tout le groupe, et ce n'est qu'à l'aube que l'air vif de " Hey Johnny Cope ", soufflé par les cornemuses de Duncan M'Carmick, nous a tirés de notre sommeil.
Chacun a bondi de son lit de bruyère et donné des instructions pour la préparation du petit déjeuner (particulièrement le thé à la flamme (?) à nouveau réquisitionné), nous sommes descendus jusqu'à un ruisseau qui traverse la vallée au pied de la grotte pour faire nos ablutions et après nous être rafraîchis avec un plongeon dans la mer, nous sommes revenus au petit déjeuner avec appétit malgré l'heure matinale.
Les chiens étaient si impatients que, bien qu'à jeun depuis la veille au matin, ils ne voulaient pas regarder le gâteau qu'on leur offrait, et Buskar, lorsqu'on le pressait, prenait finalement le gâteau entre ses dents pour le rejeter avec agacement.

De la position élevée de l'entrée de la grotte, la vue était très étendue et pittoresque.
A droite, l'Atlantique roulait sous nos pieds, et le soleil venait d'émerger de son sein ; devant nous s'étendait une vaste lande d'où les brumes du matin s'étaient retirées, même si elles parvenaient encore à nous cacher la vue des pittoresques sommets des montagnes qui la délimitaient. 
Une belle vallée s'étendait sur la gauche, divisée en son centre par un profond ravin, à travers lequel un ruisseau de montagne coulait et se déversait dans la mer immédiatement au-dessous de nous, tandis qu'une crête abrupte de rochers surplombait nos têtes. Ce n'était, comme l'a dit Johnson, que "rudesse, silence et solitude". Il n'y avait pas âme qui vive ; on n'entendait pas un bruit, sauf le murmure des eaux et, de temps à autre, le cri sauvage d'un oiseau de mer qui volait d'un rocher à l'autre.

Avant de quitter notre position dominante, nous avons jugé prudent d'examiner à l'aide de nos télescopes le terrain devant nous, en particulier ces lits de fougères, si fréquents dans ces landes, dans lesquels les cerfs, après avoir pâturé toute la nuit, se cachent généralement à l'approche du jour, ne laissant apparaitre que leurs têtes et leurs cornes gris clair impossibles à distinguer sans l'aide d'une lunette.

Après avoir vérifié qu'il n'y en avait pas de cerf en vue, nous avions à étudier la direction du vent et la nature du terrain que nous devions traverser.

Une fois la direction décidée,  Finlay (le meilleur chasseur de cerfs que la lande ait jamais eu) s'est mis en route à environ 50 yards (46 m) en avant, muni d'un télescope, tandis que le reste du groupe suivait lentement et silencieusement avec les chiens en laisse. Nous avions ainsi parcouru quelques miles (x fois 16O9 m) dans un vallon rocheux, qui s'élevait progressivement depuis la mer, lorsque le traqueur aperçut (sans l'aide de sa lunette) un cerf à environ un miles (1609 m).

Il se prosterna immédiatement sur le sol et, en une seconde, tout le groupe se coucha sur la lande, car même à cette distance, les cerfs auraient pu nous découvrir.

Finlay revint alors, en rampant sur le sol, à l'endroit où nous étions couchés, et nous ordonna de reculer sur une courte distance jusqu'à ce que nous soyons hors de vue. A ce moment le reste du groupe n'avait rien vu du cerf, et bien que le traqueur ait pointé régulièrement dans la direction où il se trouvait, aucun membre ne put le découvrir à l'œil nu ; mais Buskar, qui avait jusqu'à présent suivi tranquillement, a commencé à émettre un faible gémissement et, les oreilles dressées, a regardé fixement l'endroit où le cerf était couché. Avec la lunette, nous avons été rapidement convaincus que le traqueur avait vu juste, car nous pouvions percevoir distinctement un beau cerf couché sur le côté de la vallée à notre gauche, ruminant tranquillement et regardant dans toutes les directions. Nous avons immédiatement battu en retraite et, suivant notre guide, nous sommes entrés dans le lit d'un ruisseau de montagne qui (bien que le cerf se trouvait dans une situation qui dominait la plus grande partie de la vallée) nous a permis, grâce à sa profondeur et à ses méandres, de nous approcher de lui jusqu'à atteindre les derniers rochers qui nous séparaient de lui.
Nous quittâmes alors le lit du ruisseau et, constatant que nous ne pouvions avancer depuis le terrain le plus bas, remontâmes quelque peu le flanc de la vallée où il se trouvait, lorsque Finlay nous informa que nous serions bientôt à nouveau exposé à sa vue et que, pour nous dissimuler, nous devions nous mettre sur le ventre et nous faufiler dans les joncs qui se trouvaient devant nous. C'est ce que nous avons fait, les uns derrière les autres, en observant attentivement les mouvements de notre guide, sur une distance de 100 yards (91 m), jusqu'à ce qu'une élévation de terrain entre nous et le cerf nous permette de nous redresser.
Après avoir atteint ce point, Finlay pensa qu'il était nécessaire de prendre une autre approche du cerf, au cas où il changerait de position, et ainsi, peut-être, pourrait nous voir au moment où nous nous y attendions le moins : il était également approprié de vérifier si oui ou non il y avait des cerfs dans son voisinage qui, perturbés par notre approche, pourraient l'alerter. À cette fin, sans bonnet, ses cheveux ayant été coupés de près pour l'occasion, Finlay gravit lentement le terrain qui s'élevait entre nous et les cerfs, regardant à chaque pas à droite puis à gauche, pouce par pouce, la tête rejetée en arrière de façon à porter ses yeux à un niveau aussi élevé que possible. Ayant enfin aperçu les cornes du cerf, il s'assura qu'il n'avait pas bougé, et s'étant couché aussi progressivement et lentement qu'il s'était levé, afin de ne pas attirer l'attention du cerf par un mouvement brusque, il revint vers nous, et reprit la tête. Après avoir effectué un circuit interminable, tantôt en s'approchant, tantôt en s'éloignant, nous arrivâmes enfin à l'arrière d'une colline, d'où il nous informa à voix basse que le cerf était couché, et que, de l'endroit où nous nous trouvions, il était à une centaine de mètres. La plupart des membres du groupe semblaient enclins à douter de cette information, sincèrement convaincus que le cerf se trouvait à au moins 1/2 miles (800 m) sur la droite.
Le sens de l'orientation développé et évident de Finlay et sa grande pratique de la chasse au cerf levèrent  les doutes de l'équipe. Buskar a rapidement réglé la question en levant la tête, puis en bondissant en avant,  presque à la personne qui le tenait.

 

"Il n'y avait pas de temps à perdre : le groupe s'est immédiatement mis en marche dans une attente silencieuse et haletante, les chiens en tête, tirant sur les patins, et lorsque nous avons atteint le sommet de la colline, nous avons eu une vue complète du noble cerf, qui, ayant entendu nos pas, s'était dressé sur ses pattes et nous regardait droit dans les yeux, à une environ 60 yards (55 m).
"Les chiens ont été lâchés, une clameur s'est élevée du groupe, et le cerf, faisant volte-face, s'est élancé à toute vitesse, avec Buskar et Bran à ses trousses.
La silhouette brune du cerf, la noble ramure penchée vers l'arrière, qui contrastait avec la couleur claire des chiens s'étirant le long de la lande sombre, figurait l'une des scènes les plus excitantes qu'il soit possible d'imaginer.
Poursuivi de près par les chiens, il s'aperçut bientôt que sa seule sécurité résidait dans la vitesse ; et comme un cerf ne court pas bien en montée - pas mieux qu'un chevreuil en descente - à l'approche des chiens, il se retourna et revint presque sur ses pas, en prenant, toutefois, une ligne de descente plus raide que celle par laquelle il était monté. C'est ici que la poursuite devint la plus intéressante ; les chiens le pressèrent fortement, et le cerf, confus, se trouva soudain au bord d'un petit précipice d'environ quatorze pieds de haut, du fond duquel descendait un amas rugueux de pierres. Il s'arrêta un moment, comme s'il avait peur de sauter, mais les chiens étaient si proches qu'il n'avait pas le choix.
"À ce moment-là, le groupe n'était pas éloigné de plus de 150 mètres et attendait le résultat avec beaucoup d'anxiété, craignant que le cerf ne survive pas au saut en raison de la dangerosité du relief. Ils ont cependant été rapidement soulagés de leur inquiétude.
Les chiens ne tardèrent pas non plus à le suivre ;  Buskar s'élança le premier et, chose extraordinaire, ne perdit pas ses jambes ; Bran suivit, et en atteignant le sol, il fit un étalement complet ; il récupéra bientôt ses jambes, et la chasse se poursuivit en oblique le long d'une falaise très accidentée et rocheuse, le cerf étant apparemment plus frais et plus agile que jamais, sautant à travers les rochers comme une chèvre, et les chiens se relevant bien, derrière les chutes les plus effrayantes.
" De la position élevée dans laquelle nous étions placés, la chasse était visible sur près d'un demi-mille. Lorsqu'une élévation de terrain nous boucha la vue, nous nous dirigeâmes à toute vitesse vers un point plus élevé et, après l'avoir atteint, nous pûmes constater que les chiens maintenant sur un sol lisse, avaient remonté le cerf qui allait toujours à toute vitesse, et qu'ils étaient maintenant tout près de lui. Bran, alors en tête, arriva en quelques secondes sur ses talons et saisit immédiatement son jarret si brutalement qu'il dût paralyser le membre, car la le cerf fut immédiatement ralenti.
"Buskar n'était pas loin derrière, car peu après avoir dépassé Bran, il saisit le cerf par le cou. Malgré le poids des deux chiens qui s'accrochaient à lui mais grâce à la déclivité du terrain, il continua à les entraîner à une vitesse extraordinaire, en dépit de leurs efforts pour le retenir, et réussit plus d'une fois à faire tomber Bran.
Il finit par s'épuiser ; les chiens réussirent à le tirer vers le bas, et bien qu'il ait fait plusieurs tentatives pour se relever, il ne retrouva jamais complètement ses jambes.
En remontant, nous l'avons trouvé parfaitement mort, avec les articulations des deux jambes avant disloquées au niveau du genou, la gorge perforée, la poitrine et les flancs très lacérés.
Comme le sol était parfaitement lisse autour de l'endroit où il est tombé, et en aucun cas marécageux, il est difficile d'expliquer la dislocation de ses genoux, à moins que cela ne se soit produit pendant qu'il luttait pour se relever.

Buskar était parfaitement épuisé, et s'était couché, tremblant de la tête aux pieds comme un cheval à terre ; mais lorsque nous nous sommes approchés du cerf, il s'est levé, a marché autour de lui avec détermination et nous a à peine permis de l'approcher. Il n'avait cependant reçu aucune coupure ou blessure, tandis que Bran présentait plusieurs contusions, près d'un pouce carré ayant été enlevé de l'avant de sa jambe avant, de sorte que l'os était visible, et un morceau de bruyère brûlée avait traversé son pied de part en part.
Rien ne pouvait surpasser le courage déterminé dont les deux chiens, en particulier Buskar, ont fait preuve tout au long de la chasse.
Il est né à l'automne 1832 et, avant l'âge d'un an, il a tué à lui seul une biche adulte.
Le cerf a été transporté jusqu'au cours d'eau proche afin d'être lavé ; cette cérémonie accomplie, nous nous sommes assis pour déjeuner, très heureux du résultat de notre journée de sport ; et ayant conclu par un bumper (?) au succès de notre prochaine chasse, il ne nous restait plus qu'à transporter notre cerf jusqu'à la grotte, à une distance de 3 bons kms, par le chemin le plus proche à travers la lande. Le cerf pesait plus de dix-sept pierres (plus de 100 kg), mais nos robustes Highlanders, en se relayant les uns les autres, l'ont porté sur cette distance en l'espace d'un peu plus d'une heure. Nous avons ensuite pris le bateau, et en quelques heures nous étions de nouveau sur le rivage à Colonsay.
On peut estimer que la vitesse d'un cerf est presque égale à celle d'un lièvre, bien qu'il faille probablement plus de vitesse pour courir ce dernier en raison de ses virages et de ses enroulements que pour courir le premier ; mais, d'un autre côté, si un chien est un tant soit peu essoufflé lorsqu'il atteint un cerf, il ne peut pas conserver sa prise, ni la récupérer si elle est perdue ; en effet, ce n'est que grâce à sa vitesse et ses réserves qu'un chien peut continuer à conserver sa prise, épuisant progressivement le cerf jusqu'à ce qu'il soit finalement capable de le tirer vers le bas.
Ce grand pouvoir d'endurance ne peut être trouvé que chez un lévrier de race pure, de la sorte originale ; car même si un chien croisé peut réussir à s'accrocher à un cerf, il a rarement la vitesse ou l'endurance nécessaire pour conserver sa prise ; et s'il tombe, il souffrira, en toute probabilité, beaucoup plus qu'un lévrier, dont l'élasticité de la forme est mieux calculée pour supporter de tels chocs.


Traduit par Levrier-ecossais.fr avec Deepl.